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En décembre la Visual Galley exposera

KOEN DEMYTTENAERE

Vernissage le vendredi 6 décembre de 17 à 20 h

Un regard sur l’âme

Koen Demyttenaere

1. Pourquoi en noir et blanc ?

Le blanc est un mélange de couleurs, le noir en est l’absence. ‘Black and white are the colors of photography. To me, they symbolize the alternatives of hope and despair to which mankind is forever subjected…There is one thing the photograph must contain, the humanity of the moment’ (Robert Frank). La photo en noir et blanc possède son propre langage et sa propre grammaire, elle apporte du ‘caractère’ à la photographie en jouant des ombres, des lumières et des contrastes et de la texture: la couleur peut desservir le message et cette distraction peut cacher l’essence même de l’expression des personnes (imperfections, rides, regards, textures, ombres…). ‘When you photograph people in color, you photograph their clothes. But when you photograph people in black and white, you photograph their souls’ (Ted Grant); en effet, les couleurs peuvent voiler. Le noir et blanc dé-voile mieux et révèle mieux ce qui se présente, ce qui émerge, ce qui s’offre à ma vue. ‘Color is descriptive. Black and white is interpretive’. (Elliott Erwitt). Les couleurs sont remplacées par des intensités d’ombres, couvrant certaines choses tout en révélant d’autres; ce flou ouvre justement vers l’interprétation : quand tu regardes une photo en noir et blanc, sur quoi tu focalises ? Le noir et blanc se démarque plus de la foule du monde coloré. Le noir et blanc est à mon avis plus émotif (et pas du tout triste pour autant), plus dramatique, plus mystérieux, plus intemporel. ‘Le noir et blanc a toujours l’air moderne, quelle que soit la signification de ce mot’ (Karl Lagerfeld). Le noir et balance utilise un langage direct, sans bavure et impose une force que la couleur permet moins. Le noir et blanc se trouve entre discrétion et présence, entre douceur et puissance. Le noir et blanc (plus que la photo en couleurs) permet un ‘second regard’ : même s’ il y a une intention à l’origine de toute image, ça reste toujours possible d’y projeter un deuxième regard, qui la re-sémantise …transformant l’image, et produisant un discours.

2. Pourquoi ‘street photography’ ?

‘Fotogeniek zijn heeft weinig te maken met hoe je eruit ziet, het heeft meer te maken met wat iemand uitstraalt, een bepaalde emotie en lichaamstaal, iets dat intrigeert’ (Dana Lixenberg), sauf si on prend la définition biologique du ‘photogénique’ : un organisme émettant de la lumière…un regard, un language corporel qui degagent de la lumière…

Regarder une photo n’est pas regarder un fait, elle encourage à voir quelque chose qui ne se montre pas : l’aura du sujet, la profondeur de l’être, ou peut-être même un aperçu de l’âme. ‘De même qu’il n’y a pas deux visages identiques, il n’y a pas non plus deux regards semblables’(Matthieu Raffard).

En regardant, on se montreen photographiant, on se montre davantage ... et en exposant on s’expose encore plus au regard de l’autre (c’est cet inconfort que j’ai ressenti nettement plus que prévu les derniers mois en préparant cette expo). ‘If each photograph steals a bit of the soul, isn’t it possible that I give up pieces of mine every time I take a picture?’ (Richard Avedon)

Dans la photographie de rue ‘on ‘shoote’ une image, on ‘capture’ un sujet’ …y a-t-il un grain d’agressivité ou de violence cachée dans l’acte (mon acte) photographique ? ‘Nous savons tous ce que cela fait d’être objet du regard insistant d’autrui – nous devenons la proie. A l’inverse, nous savons tous ce que cela fait d’épier quelqu’un à distance – nous devenons (partiellement) prédateur’ (Ishiuchi Miyako).

Pour combien de temps ‘la photographie de rue’ pourra t-elle d’ailleurs encore survivre ? Dans l’espace public, on acceptait/accepte l’idée dephotographier librement aussi longtemps que l’image n’est pas dégradante pour le sujet…mais pour combien de temps encore (avec l’abondance de ‘privacy rules’ et malgré l’abondance de caméras de surveillance dans toutes les rues)….?

3. Pourquoi faire de la (street) photography comme psy ?

On a tendance à penser que le psy privilégie l’écoute et que l’ouïe est son instrument dominant. Je pense que c’est faux : la vue et le regard, le langage corporel et l’accordement ou l’alignement non-verbal qui en résultent sont au moins aussi communicatifs et significatifs. C’est pourquoi les consultations en zoom ne peuvent jamais avoir la même intensité. Souvent, mon regard photographique cherche justement ceregard de l’autre et j’espère que ce regard me parle alors et te parlemaintenant. La spontanéité et l’immédiateté de la photographie de rue collent bien à ma personne : intuition, curiosité, gourmandise, croquer la vie à pleines dents, rechercher les sensations fortes ne me sont pas étrangers et précèdent parfois ma réflexion. Souvent, mon regard boit souvent ce qu’il voit. ‘L’oeil est la lampe du corps’ (Bible). Le noir et blanc apaise et m’aide également à me protéger du monde trop plein de distractions. La photo me sert également comme support de mémoire quand le vécu a défilé trop vite. La photo permet de mémoriser une image alors qu’elle a déjà disparue, elle permet une deuxième ‘lecture’ et une deuxième ‘digestion’ des stimuli. Avoir un regard interessé, différent, curieux, distinct, dissemblable, hétérogène m’a toujours guidé dans mon travail scientifique et clinique. Accompagner les patients dans le changement d’objectifs permettant un autre regard sur leur vécu estd’ailleurs un élément essentiel de mon travail clinique.